Interview Denis FRIEDMAN

Yona Yona PenguinC'est peu après la conférence de présentation au Festival du Film d'Animation d'Annecy 2007 (en juin) de Yona Yona Penguin par Rintarô, que nous avons pu nous entretenir avec le co-producteur français du film aux côtés de Madhouse, Denis Friedman. Une interview doublement intéressante car l'homme est aussi associé, toujours comme co-producteur, à un autre projet franco-japonais d'animation d'envergure, La Planètes des Vents, adaptation d'un roman de SF français de Serge Brussolo, avec le studio Production IG comme partenaire. L'occasion de faire le point également sur l'état des co-productions japonaises avec l'étranger, à l'heure où ces dernières se multiplient.

Interview

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Votre parcours ?


Rintarô (face à gauche) et Denis Friedman (chapeau) à Annecy (2007)Je suis aujourd'hui producteur de films d'animation. J'ai oeuvré pendant très longtemps, dans une première vie, dans le milieu du jeu vidéo. J'ai travaillé à partir des années 80 pour la société Atari au sein de laquelle je produisais des jeux vidéo et ensuite, dans les années 90 j'ai participé au lancemant de la Playsation. En 1996 j'ai décidé de quitter Sony et de créer mon propre studio qui s'appelait Shaman, parce que je sentais à l'époque que les machines devenant de plus en performantes, les métiers allaient converger entre ceux travaillant sur du temps réel et du précalculé, dans le domaine de la 3D. C'est dans cette perspective, celui de travailler dans l'optique du support jeux vidéo et animation avec les mêmes gens, que je me suis lancé. J'ai eu la chance de voir ce concept fonctionner mieux que je ne le pensais, ce qui a abouti à la production du premier film d'animation en full 3D en Europe, Kaena la Prophétie (2003). Un film qui a eu quelques déboires c'est vrai, un film un peu compliqué, mais une expérience que je suis content d'avoir mené et qui m'a appris beaucoup de choses. Et puis cette expérience a aussi agi comme un déclic, car si avant j'étais un fan d'animation en tant que spectateur, ce film m'a donné le virus de la production d'animation. Plus je m'y impliquais, et plus je sentais que c'était ce que je voulais vraiment faire et non poursuivre dans le jeu vidéo. Ce qui ne m'empêche pas de rester un joueur et de continuer à pratiquer, en particulier sur DS dont je suis un grand fan.


On est pas loin du Japon avec la DS


Et bien du fait de mon passé dans le jeu vidéo j'avais déjà eu l'occasion de travailler avec les japonais (Sony, Namco...) et c'est vrai que j'ai toujours apprécié le rapport entre la technique et l'art qu'on trouve au Japon. Je pense que ce que disais Mr. Rintarô dans sa conférence est juste, il y a un vrai parallèle entre les artistes français et japonais, un parallèle historique. Plus on avançe et plus cet aspect va se renforcer, ce n'est pas un hasard si le manga connaît un tel succès en France. Nous n'avons pas la même culture mais on partage un rapport à l'image qui est très proche.


Et de quelle façon vous êtes-vous retrouvé impliqué comme co-producteur de Yona Yona Penguin, avec le studio Madhouse ?


Et bien il y a un an et demi, lors d'un de mes voyages au Japon, j'ai rencontré par hasard, et pas vraiment par hasard, les gens de Madhouse qui m'ont dit qu'ils travaillaient sur un projet en 3D. Lorsqu'ils l'ont mis sur la table, j'ai immédiatement reconnu les dessins de TERADA Katsuya et quand j'ai demandé qui réalisait, ils m'ont informé que c'était Rintarô. Ils cherchaient un co-producteur et après avoir pris connaissance de l'histoire, j'ai pris le train en marche en devenant ce co-producteur.


Le projet était donc déjà avancé lorsque vous êtes arrivé dessus, le storyboard avait déjà été réalisé ?


Effectivement, lorsque je suis arrivé sur le projet ils étaient en fin de développement, le travail initial avait déjà été réalisé. Il restait bien entendu encore du travail d'écriture à finaliser, les personnages n'étaient pas encore tous designés, il y avait très peu de décors... Mais il y avait une histoire qui était assez solide et surtout  un travail de boarding de Mr. Rintarô qui était assez magique. Les pré-boards que j'ai vu étaient absolument magiques.


Et vous espérez sortir le film pour quelles dates à peu près ?


On va livrer le film en septembre 2008 pour essayer d'aller à Venise avec. Mais quoi qu'il arrive la sortie japonaise est prévue fin 2008, en décembre, et ici en France courant 2009, février ou Pâques, pendant une période de vacances scolaires, le film étant destiné aux enfants en premier lieu.


Vous avez d'autres projets sur le grill, notamment une autre co-production avec le Japon, avec un autre studio japonais prestigieux, Production IG. Il s'agit d'une adaptation d'un roman de SF de Serge Brussolo, La Planète des Vents (tiré de La Planète des Ouragans) . Est-ce qu'il est trop tôt pour en parler ?


Roman La Planète des Ouragans, de S. BrussoloNon, pas du tout, c'est quelque chose d'officiel. Je travaille effectivement avec Production IG sur le développmement d'un film qui a été designé à la base par AMANO Yoshitaka, le designer historique de la saga jeu vidéo Final Fantasy – je retourne à mes racines jeux vidéo. Mais j'ai en fait repoussé le démarrage de la production parce que je ne voulais pas produire deux films de cette envergure en même temps. Que ce soit le projet de Rintarô ou celui avec Amano et IG, ce sont vraiment de gros projets, ce qui ne m'empêche pas de travailler sur d'autres films en même temps, mais quand je ne suis pas majoritare. Ces deux là je ne pouvais pas les mener de front en même temps de façon satisfaisante. Donc j'ai repoussé la production de La Planète des Vents.

 

 

 


Et où en êtes-vous aujourd'hui plus précisèment ? Savez-vous déjà qui va réaliser ce film ?


Le board va commencer en juillet et le co-réalisateur côté japonais sera TAKAGI Shinji (ndr : directeur de l'animation sur Steamboy entre autres), quelq'un qui a été un collaborateur de OTOMO Katsuhiro pendant une quinzaine d'années. Quant au script, il en est au stade de finalisation de l'écriture et c'est une grosse pointure de Production IG qui s'en charge, SAKURAI Yoshiki qui a travaillé sur toute l'écriture de GITS SAC. Il doit d'ailleurs me livrer la version finale du scénario cette semaine...


Et c'est vous qui avez proposé ce projet aux japonais au point de départ ?


Oui, on est là dans une situation miroir de celle avec Rintarô et Madhouse. C'est effectivement une initiative française au point de départ et c'est moi qui suis allé proposer le script. Par contre dans ce cas le processus a été plus long, le temps de convaincre Production IG, ISHIKAWA Matsuhisa (ndr : président du studio)..., ça a mis un an et demi mais ça c'est finalement bien passé. Il y aura au final sans doute moins de travail en 3D qui sera fait au Japon mais toute la partie initiale de création s'y déroule.

                                 Pilote animé de La Planète des Vents, produit avant l'arrivée de Production IG dans le projet et pas illustratif du rendu final que devrait avoir le film.

                                 Pilote animé de La Planète des Vents, produit avant l'arrivée de Production IG dans le projet et pas illustratif du rendu final que devrait avoir le film.



Pour conclure une question d'ordre plus générale mais qui vous concerne au premier chef  puisque les co-productions Japon/étranger se multiplient ces derniers temps, avec plus ou moins de succès (Oban Star Racer, Afro Samurai...) : pensez-vous que c'est quelque chose qui est amené à s'intensifier ?


 

J'aurai une réponse mitigée... Je pense que ça va s'intensifier, mais il n'empêche que le marché d'ensemble de l'animation japonaise restera fondamentalement imperméable à ça. Le gros du marché japonais restera japonais. Mais le vrai problème c'est la 3D. Le passage à la 3D amène une inflation importante des budgets de production. C'est ce que je disais aux producteurs que je rencontrais au Japon il y a 3 ans déjà. Certains ont donc pris conscience de la nécessité de co-produire avec l'étranger pour faire face à cette augmentation des coûts. Des gens comme ceux de chez IG, Madhouse, Gonzo... ont pris conscience de ça, d'ou un peu plus de productions à destination du marché international dès le départ, comme c'est le cas pour le film de Rintarô qui a pour moi un vrai potentiel à l'international et pas exclusivement pour le Japon. Mais bon, le gros de la production restera quand même tournée vers le marché locale. Mais par congtre on assiste quand même à un phénomène assez exceptionnel dans ce domaine, même si limité.

Crédits

© Denis Friedman Productions

Propos recueillis par Anton GUZMAN en juin 2007.
Remerciements à Denis FRIEDMAN, ainsi qu’à toute l’équipe du festival d’Annecy.

date
  • January 2008
credits
Interviews


community