La Chinoise et les Gaulois

Ou les interviews mouvementées de Mme Maggie Cheung


Noël, -50 av. JC: Un petit village gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur.


... A tous les envahisseurs ? Non, un seul y reste accueilli à bras ouvert : l’Asiatique. Ce village est en réalité une secte d’adeptes de films en provenance de ces contrées lointaines….

Un dimanche matin d’hiver, à quelques jours de Noël, chacun vaque à ses occupations. 

... Gilles se prend sa chic Corée du matin (fabriquée à Vesoul), Ténèbres les prolonge en restant sous la couette, François cueille des wikis dans les buissons, Carth finit sa nuit blanche avec sa dixième critique du soir et Aurélien en est déjà à faire sa com’ sur Wong Kar Wai chez des romains à peine levés (« On n’est pas intéressés ! On dort ! »). Pendant ce temps, Astec disserte avec Ordell sur l’architecture futuriste représentée dans les mangas, ce à quoi ce dernier répond, solennel : « affèteries ! ». Shubby tombe du plafond, fait le poirier et lui sort un « c’est la fête, ris ! » avant de ricaner et de s’enfuir dans les ruelles, prenant soin au passage d’éviter Drélium et sa grosse marmite bouillante. « Shaw devant, Shaw ! ! » hurle celui-ci à qui mieux mieux. Jeffy le hèle, il s'arrête. « Hey, brother, regarde là-haut. D’après toi qu’est ce que c’est ? Un oiseau ? Un avion ?… ». Le porteur de marmite lève la tête et conclut, sûr de lui : « nan, c’est une flying marmotte ». Puis de repartir, parce que c’est lourd une marmite. Plus qu'une marmotte.

Maintenant seul, Jeffy sort une laisse de sa poche et siffle son chien. Chevauchant sa tortue camée zigzagante, un tanuki femelle passant par là le regarde, éberluée, en train de caresser un chien invisible. Elle lui demande : « T’as pété ton câble ou quoi ? ». Tout en continuant de prodiguer des caresses à l’air, Jeffy répond : « Meuh non je ne suis pas fou ! C’est mon Ghost Dog, mon chien fantôme. Il s’appelle Li ». Canidé interloqué, le tanuki se gratte la tête : « tiens c’est marrant, j’étais persuadée que toi tu l’aurais appelé… » « Laisse, Li ! » dit Jeffy en montrant l’objet au chien fantôme. Consternée, la tanuki tombe à la renverse, la tortue également, une marmotte volante traverse le décor en croassant comme un corbeau... La matinée se passe, routinière, jusqu'à ce qu'à 11h12 très précisément...

 ... Une Chinoise, une jolie Chinoise, une très jolie Chinoise même, traverse le grand portail en bois de l’entrée.

Elle marche, s’arrête au beau milieu de la place du village puis dit du plus fort qu’elle peut, avec un accent charmant: « Bonjour, je m’appelle Maggie Cheung et… » et n’a pas le temps de continuer sa phrase que déjà le rituel est lancé. « Interview », « Interview », « Interview » entend-elle à gauche à droite. Un homme court vers elle, c’est Aurélien, la bave aux lèvres : « INTERVIEW ! » rugit-il, avant d’être plaqué au sol par un Jeffy balbutiant à peu près le même mot. « Intervieeewww ! ». Des « interviews » fleurissent un peu partout. C’est la ruée. Florine fait des croche-pieds, MLF met le feu avec un cocktail molotov, Shubby accourt et se prend un coup de poisson donné par Ordell, les glaçons du bac à poiscaille éteignent le feu, François écrase des wikis sur le coin de la tronche à Jeffy, un Junta débarque soudain en meuglant « Blood cinemasiiiie ! » avant de recevoir une carpe dans le nez et… 

« Excusez-moi… » dit doucement Maggie Cheung de sa petite voix fluette. La bagarre s’arrête nette. Charmés, les yeux brillants, les villageois regardent la Chinoise. Une mouche volette autour d’un poisson en arrêt. La chinoise reprend :

Portrait signé Yoann Gourru

Maggie Cheung: "... Au lieu que ce soit l'un d'entre vous qui m'interviewe, pourquoi ne serait-ce pas moi qui vous interviewerais ? Pour connaître, par exemple, les oeuvres que vous souhaiteriez mettre en avant pour Noël..."


Soudain très sérieux, les cinémasiens haussent le sourcil, s’époussètent, vont chercher des chaises, les placent en rond tout autour de la place. Pour contrer le froid, Carth attise les résidus de cocktail molotov. Le feu de camp crépite, la chaleur s'installe. En osmose comme jamais ils ne l’ont été, ils s’asseyent, Ordell regarde la chinoise et lance : « Allez-y, nous sommes à votre disposition… »








Maggie se tourne vers la personne la plus proche d'elle. C'est Shubby, assis, jambes serrées, mains à plat sur les cuisses et regard fier. Il est prêt pour sa litanie...


En avant la CinemAsique !!...


Maggie : Eh bien commençons par vous, Shubby. De quoi aimeriez-vous discuter ?


Shubby: Chère Maggie (il toussote). C’est l’occasion pour moi de parler animation japonaise, en l’occurrence d’un artisan à part, multifonction et talentueux : Yasuomi Umetsu. Animateur clef réputé, il a travaillé à ce poste sur Akira, Le Tombeau des lucioles et…

Maggie : Noooooooooooon

Shubby: Si. Aussi character designer doué doublé d’un excellent réalisateur, il a concocté l'un des meilleurs sketchs de l’omnibus Robot Carnival : Présence, et, surtout, du hentaï gore particulièrement savoureux pour les aficionados du genre. Du honteux, du graveleux, du déviant, qu’on assimile plus souvent à de l’exploitation commerciale de bas instincts qu’à une œuvre digne d’être ouvertement reconnue et saluée à la lumière du jour. Ce qui est concevable dans 98% des cas : le honteux n’est pas souvent joli joli. Et pourtant, l’œuvre majeure du bonhomme, dans le genre, s'appelle Domination Nakite, en VO "A Kite", à savoir un duo d'OAV d'environ une heure qui date de 1998, relecture cul ultra violente et réussie des Nikita et autre Leon de Luc Besson. Vous rêviez de voir Mathilda se faire violer ? Umet…

Maggie : Ah non, pas vraiment !

Shubby: C’est une image. Umetsu l’a fait pour vous, esquivant de peu l’anime pédophile en « dénonçant » les vilains. Il n’empêche : c’est sacrément bien réalisé, formidablement découpé, très coloré et gorgé de scènes d’actions franchement excitantes. Dans la foulée, son anime Mezzo Forte a fait encore plus "fort", et même moins "mezzo"…

Maggie : Mmh, on peut dire que c'est amusant.

Shubby: Merci. Plus fort et moins mezzo donc, Mezzo Forte use d’un scénario délirant proche du non sensique, comporte des personnages bien construits, légers, apportant à l'ensemble une distanciation bienvenue. Genre Hudson Hawk vous voyez…

Maggie : Je vois.

Shubby: Bref, c’est moins glauque que « Kite ». On se rapproche plus de l'esprit de Noël... Du moins, on s'en éloigne un peu moins. Les rebondissements sont très inventifs, les deux scènes de hentaï plutôt intelligemment incrustées et les scènes d’action en remontrent à nombre d’animés dit d’action peinant à obtenir un tel dynamisme. La baston à la chorégraphie d’ensemble complexe qui se tient dans le bowling est à ce titre sacrément impressionnante. Une série Mezzo Forte Danger Service Agency suivit en 2004, pas vue pas prise, mais avec toujours notre cher Yasuomi Umetsu à la barre on peut parier sur un anime de qualité. Concernant nos OAV, l’aspect direct-to-video pauvret est malheureusement perceptible sur la BO de l’œuvre, indigente, mais n’entache en rien la pleine réussite de la chose. D’autant plus réussie que rare. Donc à espérer un jour en Z2 uncut. Une séquelle à Kite va débarquer d'ici pas tard, Kite Liberator, et la reconnaissance internationale arrive enfin pour Umetsu puisqu'un live américain de "Kite" se profile, produit par Rob Cohen. S’il se concrétise, ce sera à n’en pas douter mou du genou et aseptisé, mais aura pour conséquence de braquer les projecteurs sur notre réalisateur si particulier. Et ça, c’est bien.

Maggie : Merci Shubby ! Je passe au suivant...


Le suivant, c'est Jeffy, en extase devant le feu de camp. Il est en train d'écouter de la musique si fort dans son mp3 que Maggie en arrive à deviner ce dont il s'agit: la bande originale de Perhaps Love...... 


Maggie : Eh, Jeffy, n'est ce pas là mon bon vieux Jacky (Cheung) que j'entends chanter ?

 
Jeffy (il enlève son casque): S'il ne faisait que chanter, il n'y aurait pas grande différence avec ce qu'il faisait il y a 20 ans, mais maintenant il joue le bougre, et sacrément mieux qu'à l'époque.

Maggie : Pourtant je me souviens de As Tears Go By, il n'était pourtant pas mauvais...

Jeffy : Sûr, mais avec Wong Kar-Wai qui ne le serait pas? Je serai galant et ne te rappellerai pas ce que tu faisais à la même époque que As Tears Go By... Tu te souviens de Happy Fat New Year ? ;-)

Maggie : Joker !

Jeffy : Tout comme une hirondelle ne fait pas le printemps, un Wong-Kar Wai ne suffit pas à faire un acteur. Que de chemin parcouru depuis cette époque par ce cher Jacky. On peut dire qu'avec Perhaps Love, il poursuit une courbe ascendante. Oubliant la quantité pour la qualité, il a quand même enfilé son rôle dans Perhaps Love après un très honorable Jiang Hu. D'ailleurs il n'est pas le seul de l'ancienne garde à se bonifier avec l'âge, regardes Aaron, dans After This Our Exile, plus qu'impressionnant et sans claquette s'il te plaît!

Maggie: Mais il ne chante pas lui dans son film!

Jeffy: C'est vrai, mais même si Perhaps Love s'oriente par moment vers la comédie musicale , et d'ailleurs avec un certain brio comme dans la scène d'ouverture, il n'en reste pas moins que le film est signifiant par son histoire même. Il faut dire que Peter Chan n'est pas le premier venu derrière la caméra. Il a certes alterné le (très) bon et le moins bon, mais avec à son palmarès des films comme He's a woman, she's a man ou Comrades, almost a love story difficile de le comparer à un des ces producteurs/réalisateurs qui font des films en fonction des études de marchés!

Maggie: Des noms, des noms!!!!

Jeffy : Comme si tu ne savais pas ! Mais revenons à Perhaps Love, si d'aucuns lui voient un petit coté Lelouch coté forme, il faut quand même dire qu'ici le fond précède la forme et la met à son service et après tout c'est bien là la marque d'une grand réalisateur. Le parallèle permanent qui est fait entre l'eau sous ses différents états (vapeur, liquide, neige, glace) et les émotions des personnages est admirablement maîtrisée. Et cette mise en scène est très bien servi par un trio haut de gamme. Outre le cher Jacky dont on ne redira jamais assez la performance, Takeshi Kaneshiro (tu te souviens de lui à ses débuts dans Heroic Trio 2 à tes cotés??!!) joue parfaitement le contraste et Zhou Xun fait preuve d'un détachement qui assure une bonne fluidité au film là où d'autres actrices en ferait des tonnes, je ne dis pas ça pour toi Maggie bien sûr!

Maggie: Manquerait plus que ça! Enfin c'est bon n'en lance plus je suis convaincue, Perhaps Love sera un incontournable dans la hôte du père-noel.

Jeffy : Et si tu veux vraiment faire plaisir offre la BO avec !

Maggie Ca marche, bon Noël Jeffy!

Jeffy : Bon Noël Maggie!


D'humeur taquine et souhaitant destabiliser le suivant, elle se tourne brusquement vers lui et demande sèchement :



Maggie : Et vous, Monsieur Robbie ?


Ordell (du tac au tac et sans broncher) : L’Intendant Sansho.

Maggie (déçue, elle embraye): Vous avez pas plus original rayon film jap ? Plus contemporain ?

Ordell: Contemporain mon œil… Vous en avez vu des mélos aussi poignants ces derniers temps…

Maggie (lui coupant la parole): "The Killer", "Tout sur ma mère"…

Ordell: J’allais rajouter « en provenance d’Extrême Orient ?». Donc le Pedro… Et va pour The Killer qui en plus d’être un chef d’œuvre du cinéma d’action est aussi un très grand mélo… mais commence quand même déjà un peu à dater (1989).

Maggie: L’Intendant Sansho donc ?

Ordell: Ca avait beau être une référence du cinéma japonais : Lion d’Argent à Venise en 1954, vénèré par GODARD qui le cita dans son chef d’œuvre Le Mépris… et avec une moyenne cinémasie pondérée de… ahem… 3,94/5. Bordel, c’est qui qui a calculé ça ? 4,56 de moyenne rédacteur et 4,53 de moyenne visiteurs et ça se retrouve avec une moyenne pondérée si basse ? La section Japon est déjà en train de préparer une mutinerie contre Webmastérix !

Maggie: Et elle a bien raison…

Ordell: Je disais donc : ça avait beau être une référence incontournable du cinéma japonais mais le film ne disposait pas de par le monde d’une édition DVD sous-titrée digne de ce nom. Il y avait celle du coffret GCTHV en France mais le moins qu’on puisse dire c’est que c’était loin d’être la panacée rayon transfert. Et de ce côté-là la compagnie américaine…

Maggie: A fait un travail à son niveau habituel : très haut.

Ordell: Ben ouais : master restauré en haute définition exemplaire de propreté et bon mono d’origine. Et les bonus sont à la hauteur. Une courte interview de l’actrice KAGAWA Kyoko sur MIZOGUCHI, un entretien d’un quart d’heure avec l’ancien assistant-réalisateur du cinéaste TANAKA Tokuzo

Maggie: Celui des Zatoichi ?

Ordell: Yes. Mais je préfère retenir de lui son chambara The Betrayal avec son combat final au sabre à un contre... plein plein plein de monde. Et scandaleusement indisponible en DVD en France comme aux US. Pour revenir au Criterion : une interview de l’historien du cinéma japonais SATO Tadao sur les thèmes du cinéma de MIZOGUCHI, un livret contenant un essai sur le film et une traduction des matériaux littéraires d’origine. Et cerise sur le gateau : un très beau packaging cartonné.

Maggie: C’est fini de jouer les VRP de Criterion ? Vous pourriez pas parler quand même un peu du film pour donner envie aux non-connaisseurs de ciné jap ?

Ordell: Allez sur le site, Carth, Ghost Dog, Yann K et moi-même en parlent longuement et très bien… et les visiteurs pas mal non plus.

Maggie: Je comprends votre envie de faire gonfler le compteur visiteurs mais vous pourriez quand même en dire un mot ?

Ordell: Ben non, ils n’ont qu’à aller sur www.cinemasie.com lire tout ça. On va quand même pas leur mâcher tout le job ! Je dois en plus m’éclipser tout de suite pour voir à l’UGCix le plus proche L’Homme sans âge : c’est le retour derrière la caméra de Francis Ford COPPOLA, le plus célèbre habitant du Cinévillage Californien à l’époque (1970-1980) où les cinéastes y respiraient l’air de la liberté artistique… avant que tout ce petit monde ne soit réduit à néant par l’arrivée des troupes d’Affairus. Les avis sont partagés et je suis pressé de me faire ma propre opinion.

Maggie: Ok. Bon Noël !

Ordell: Bon Noël aussi ! Et je vous souhaite plein de chefs d’œuvre…disons des films plus de le trempe de vos WONG Kar-wai que de certaines daubes dans lesquelles vous aviez tourné à HK.

(Maggie commence à peine à réfléchir à sa réponse qu'Ordell est déjà en train de piquer un sprint pour être à l'heure à la séance).

Maggie: Bon, suivant...


Changeant de technique, à pas de loup elle s'approche d'un autre cinemasien. Gilles, en plein dans le programme du festival franco-coréen du film, ne s'aperçoit pas qu'elle se tourne vers lui. Pris d'un doute, il lève les yeux et finit par croiser ceux de Maggie, semblant attendre quelque chose. Il regarde ses voisins tour à tour pour se rendre compte que c'est bien à lui qu'elle adresse son attention. Il fourre le programme dans son sac avant de s'adresser à elle.

Gilles - C'est à mon tour on dirait.

 


Maggie: Eh oui Gilles! Qu'as-tu à nous raconter? Sur le cinéma coréen peut-être ?...


Gilles (remonte ses lunettes) - Tiens oui j'y avais pas pensé. Sur un film d'espionnage qui...

Maggie – Ha Shiri ; amusant comme film.

Gilles – Non, j'ai dit 'film d'espionnage'. Pas d'un film où l'espion en question se balade dans la rue limite avec un t-shirt « Je suis un tueur professionnel ». Je ne retire en rien le coté amusant de Shiri, mais il faut savoir de quoi on parle. Shiri est un film d'action de bonne facture ; très énergique, plutôt bien filmé, qui est et restera un gros blockbuster, certes parfait pour passer une soirée sympa entre potes, mais qui ne vaut rien en terme d'espionnage. Non, là je voulais plutôt parler de Double Agent, qui est tout bonnement passionnant et loin de tout ce qui a été fait dans le domaine en Corée. C'est très certainement, à ce jour, le film coréen sur la guerre froide le mieux réussi et le plus complet.

Maggie – Mais il est un peu ennuyeux non ? Pas vraiment de rythme.

Gilles – C'est là où on n'est pas d'accord. Pourquoi le rythme devrait-il être super rapide pour faire un film passionnant. Je suis resté scotché par l'intrigue formidablement menée et pas un moment ennuyeuse. Il y a une telle tension dans le récit qu'on reste accaparé par l'écran, dans l'attente de ce qui va suivre. Et pire, on n'arrive pas à prendre partie dans l'intrigue. Le méchant est-il si méchant, dans le sens où il répond aux besoins de son pays, alors qu'on serait (devrait ?) être tenté d'adopter un point de vue anti-communiste. Et le film nous emmène exactement dans ce contexte de guerre froide qu'il vise : il n'y a pas un bon coté et un mauvais coté : il y a juste deux pays qui se font face, mais qui ne peuvent pas se sortir de cette impasse à cause d'idéologie trop différente. Alors la situation reste coincée et cela crée, apaise ou renforce les tensions entre eux. Et c'est cette tension qui est presque palpable à n'importe quelle vision.

Maggie - Wahoo ! il serait presque parfait à tes yeux alors

Gilles – C'est pour ça que je lui ai mis 5/5.

Maggie – Oui enfin tu es plutôt généreux non ?

Gilles – Bon certes je reconnais que je suis plutôt bon public et que j'ai eu tendance à surnoter un peu, même si je me suis quand même calmé un peu depuis. Mais si je devais réviser toutes mes notes maintenant, Double Agent ferait parti des quelques films auxquels je laisserais la note maximale. C'est à mon avis un film complet et le fait qu'il soit réalisé par un metteur en scène totalement méconnu le rend encore plus intéressant. Je le raccroche un peu à JSA dans le sens où tout deux marquent un tournant important dans l'histoire du cinéma coréen où le nord n'est plus diabolisé mais devient complètement humain. Les cornes disparaisse et les conflits inter-coréens autant politiquement que psychologiquement peuvent repartir sur des bases plus concrètes. Et c'est cette impartialité qui manque cruellement à Shiri.

Maggie – Bon, oublie un peu la Corée. Tu n'as pas d'autres chef-d'oeuvres à proposer, dans ceux dont tu ne baisserais pas la note par exemple ?

Gilles – Si si, bien sûr. Dans la liste des rares films dont j'emporterais le DVD partout avec moi (s'il existait en zone 2, argh !!!), je choisis Swallowtail Butterfly, de Shunji Iwai.

Maggie – Ha un film romantique. J'adore les romance de Shunji Iwai.

Gilles – Dis, tu descends de quel planète ? Swallotail Butterfly n'est justement pas une romance (cela dit ses romances sont très bonnes en général) mais un film d'anticipation dans lequel une ville imaginaire dans un style très 'ruée vers l'or' se voit tomber dans la décadence et où l'on suit le destin de plusieurs personnages. Film d'un durée assez conséquente : 2h30. Mais passionnant. Je ne peux pas en dire beaucoup car cela fait un bon moment que je ne l'ai pas vu mais n'hésite pas à aller voir les critiques sur le site du village ; les moyennes de 4.3/5 pour les rédacteurs ainsi que les visiteurs sont sans équivoque. Shunji Iwai est sans conteste l'un des réalisateurs contemporains les plus innovant et intéressant.

Maggie – Je préfère Wong Kar-Wai quand même.

Gilles – Bon au suivant... je crois que je vais essayer de rattraper Ordell...

 
Maggie cherche un autre cinemasien. Elle voit Aurélien, marche vers lui et s'arrête net. Quelque chose tire le bas de son pantalon. Elle baisse les yeux et découvre un petit animal curieux qui, de sa petite patte, lui fait comprendre qu'il a quelque chose d'important à dire...



Maggie: Bonjour petit animal... Tu es un tanuki n'est-ce pas ?


Tanuki (fait aussitôt un salto arrière et prend forme humaine) : En effet, je fais partie des Yokaï et j'aurais souhaité attirer votre attention sur des cousins lointains assez méconnus nommés Mushi.

Maggie (curieuse) : Quoi ça être ?

Mushishi Tanuki : Les Mushi sont des entités invisibles pour le commun des mortels qui vivent en communion avec la nature mais ne sont ni des végétaux ni des animaux. Ils existent sous diverses formes et n'interagissent normalement que peu avec les humains. Lorsque cela arrive, ils perturbent leur vie souvent pour le pire, plus rarement pour le meilleur et on doit alors faire appel à un mushishi. Ces derniers ont un don qui leur permet de voir les mushi et dans la majorité des cas de sauver les victimes de leur emprise. Si vous voulez en savoir plus, je ne peux que vous recommander la lecture du Mushishi de Urushibara Yuki. Ginko, le héros, y parcourt une campagne japonaise d'un autre temps à la recherche de gens à aider. Les histoires y sont à la fois belles, poétiques et dramatiques. Très fortement inspirées du shintoïsme, les amoureux de la nature y retrouveront ce qui faisait déjà le charme d' Earth girl Arjuna Arjuna. Et ce sentiment d'apaisement que l'on ressent à la lecture, je ne vous dis que ça ma chère Maggie. D'ailleurs, le must est de déguster chaque tome en écoutant les doux morceaux de la BO de Wonderful Days...

Maggie :  ... blottie au creux d'un canapé, près de la douce chaleur d'un feu crépitant dans la cheminée, en buvant un thé et en levant le nez de temps à autres pour regarder les flocons tomber dehors...

Tanuki : Je vous sens prête à attaquer la lecture :-) C'est pas tout ça mais il fait bien froid pour un mois de décembre, il est temps pour moi de retourner hiberner... à moins qu'une petite place se libère au coin du feu. Joyeux Noël, M'ame Maggie !!

Un petit saut en l'air, le tanuki retrouve son apparence animale et part en courant se cacher sous un tas de feuilles.

Maggie : Joyeux Noël petite Tanuki !
 

Maggie tourne la tête et aperçoit MLF, en train de se balancer sur sa chaise. " 'Cause he's cool " (Fallen Angels's property), il attend nonchalamment qu'elle vienne vers lui...



Maggie: Alors, cher MLF, quel(s) film(s) allez-vous nous proposer ?


Voilà une question bien plus complexe qu’il n’y parait. Il est des périodes où il est difficile de trouver quelque chose d’intéressant et d’autres, comme celle-ci, où les bons films sont à foison. Enfin, en procédant par élimination, il est vrai que mes propositions tiendront difficilement sous le sapin.

Pour les cinemasiens et à l’heure actuelle, je recommanderais avant tout les salles de cinéma plutôt que l’achat d’un DVD. Ces derniers temps il y a de très bonnes sorties salles, venues d’ailleurs. Ce qui prime avant tout est le cinéma, dans toute son envergure. Il serait dommage de ne pas profiter de Paranoïd Park de Gus Van Sant ou de Nous les vivants de Roy Andersson...

Maggie: Mais ces films-là ne viennent pas d'Asie...

S’ils n’ont rien d’asiatique, ce sont de vrais bijoux du cinéma. On a beau dire, le cinéma se passe dans les salles de cinéma, pas à la maison. Aucun DVD ne permet de rendre sensible la puissance esthétique d’une image cinématographique. Je recommanderais également Les Promesses de l’ombre de David Cronenberg, même s’il est vrai que son ton ne concorde par vraiment avec une ambiance festive (on est loin des films Hk du nouvel an), il est d’une telle maîtrise et quelque part subversion dans les codes que c’est un bonheur.

Je n’ai pas encore vu My Blueberry Night de Wong Kar Waï ou Souffle de Kim Ki duk, et qu’importe s’ils n’ont pas de bons avis critiques. Laissons les discours de critiques aux critiques. Le cinéma se passe dans les salles de cinéma et il me semble que si on voit le cinéma autrement que comme un consommateur de pop-corn, c’est de là que vient plaisir. Pour ma part, j’aurais plus de regret de ne pas avoir vu un film (et d’autant plus un film de Wong Kar Waï) que d’avoir vu un « mauvais » film. Et encore, je remarque que depuis son très apprécié et accessible, très apprécié car accessible In the Mood for Love, Wong se fait chahuter par la critique (surtout) et le publique (un peu). Il est vrai que le film avait dépassé les 100 000 entrées, alors que ses films précédant n’avaient jamais dépassé les 7 000 entrées. C’est tout de même amusant ce fonctionnement. Personne, me semble t-il, ne va voir un film de Wong pour voir la distraction Entertainment de l’année. Nous allons voir le nouveau Wong Kar Waï poussés par la curiosité du réalisateur. Les présupposés, les attentes ne sont pas (censés être) les mêmes que lorsque nous allons voir Les Pirates des caraïbes 3 (par exemple) où nous attendons une suite surprenante aux épisodes précédant tout en participant à la cohérence de l’ensemble. Et pourtant, Wong se fait fustiger depuis In the Mood for Love à la fois parce qu’il semble se répéter dans les marques qui font sont cinéma et en même temps parce que ce n’est plus la même chose. Comme si le publique allait voir In the Mood for Love 2, comme ce fût le cas pour 2046, et en ressortait déçu parce que justement ce n’est pas In the Mood for Love 2, c’est bien 2046. Ce que je veux dire, c’est que My Blueburry Night est un film de Wong Kar Waï, sa marque est apposée sur le film comme l’est la marque de tout artiste sur son œuvre, mais ce n’est pas un remake de In the Mood for Love, ce n’est pas sa suite. Au passage je trouve très orgueilleux ce fonctionnement qui consiste à clore l’activité d’un cinéaste de la sorte : « n’allez pas voir ce film, le réalisateur ne fait plus rien, c’est moi qui vous le dit ». Vu l’impact de ce discours qui incite le publique à ne plus aller voir les films en délimitant l’existence qualitative d’une œuvre, alors il est vrai que Wong risque de ne plus faire de film. Au contraire, si on a été réellement touché par ce cinéma un jour, il faut aller voir son film, mais sans attente, pour se laisser porter. Peut être qu’il ne parviendra pas à rassasier la soif d’un consommateur, mais ce n’est pas de l’Entertainment. C’est pour moi un merveilleux cadeau que de pouvoir voir un nouveau film de Wong à l’approche des fêtes et je ne voudrais le manquer pour rien au monde.

Maggie: D'autres films à part du Wong Kar Wai ?
Je serais également tenté de parler de Death Note, qui fût pour moi une révélation. Très certainement la meilleure réalisation audiovisuelle 2007 à tous les niveaux. Je suis surtout émerveillé par la dramaturgie soutenue et haletante de la série qui ne s’essouffle jamais et du brio de la mise en scène. Mais il me semble qu’à se jour la série n’a pas encore était commercialisée en France, elle ne peut donc pas être un cadeau de Noël, sauf peut être via les éditions japonaises qui, si elles ne comportent pas de sous-titre, ce qui est un handicap réel pour une série à suspense, sont toujours accompagnées d’une splendide figure d’une dizaine de centimètres de haut. Mais ce qu’il faut c’est vraiment voir la série, donc peut être pourrons nous espérer une édition Hk ou américaine rapide pour au moins pouvoir profiter des sous-titres anglais. Quoi que la série ayant été interdite en Chine, je doute qu’elle voit le jour officiellement à Hk.

Résultat, il ne mes reste plus qu’à me tourner vers des films plus classique, sans que cela ait quoi que ce soit de gênant. Je recommande en premier lieu l’excellent Yi yi d’Edward Yang, définitivement l’un des plus beaux films qu’il m’ait été donné de voir. De surcroît, l’édition DVD de Diaphora est excellente. La qualité de l’image est très bonne, le format du film a été respecté et comme le potentiel commercial d’un tel objet est très limité, pas de menu lourd et sophistiqué, pas de multiple bonus pompeux et risible : une édition sobre à un prix modeste pour un film d’exception… tout est là et je gage que l’ambiance du film peut transporter les âmes romantiques, balancées entre espoir et nostalgie. Pour les portefeuilles plus solides, il y a également les coffrets des films de Yasujiro Ozu. Je pense tout particulièrement au coffret 5 Films en couleurs édité par Arté et contenant Bonjour et Fin d’Automne, probablement deux de ses plus beaux films.


Maggie: Merci beaucoup pour vos conseils MLF, et maintenant je...


... A peine Maggie relève t'elle la tête qu'elle est estomaquée par ce qu'elle découvre: un revenant !

 



Maggie: Kame ? Toi ici ?


Kame : Je ne fais que passer, pas d'inquiétude à avoir !

Maggie : Mais après toutes ces années sans mettre une critique, tu as quand même quelque chose à me conseiller ?

Kame : Oh oui, et aussi sûrement que la cache sera là dans la prochaine version de CinémAsie, je te conseille un Inoue.

Maggie : Shirobamba ? Vent et vagues ?

Kame : Mais non, l'autre Inoue !

Maggie : Les Mémoires d'une geisha ?

Kame : L'autre Inoue !

Maggie : Hanzo the Razor 3 ?

Kame : Non non, un autre Inoue, et puis c'est en livre ce que je veux te conseiller.

Maggie : Tokyo Tribe 2 ?

Kame : ...

Maggie : Slam Dunk avec le grand roux débile ?

Kame : On s'approche, du même auteur cette fois...

Maggie : Tu es sûr que tu ne me fais pas tourner en bourrique, tu as bien une proposition réelle ?

Kame : Exactement, Real !

Maggie : Un énième manga sur l'accomplissement par le sport ? Je croyais qu'Adachi avait scellé le genre et qu'on pouvait enfin passer à autre chose.

Kame : Le genre est bel est bien scellé, mais la Inoue l'enterre. D'abord, nos jeunes (oui, il faut être jeune pour être sportif) sont sortis du système scolaire. C'en est fini de la bluette entre la supportrice et le sportif à l'acuité d'un aigle, sauf quand il s'agit de voir les yeux de biches de la fan en question.

Maggie : Plus de bluette ? Ils sont tous hétéros et en prison ?

Kame : Ils sont tous hétéros et pas vraiment en prison. Mais il ne sont pas libres non plus.

Maggie : C'est-à-dire ?

Kame : Avec ce manga, Inoue examine la thématique du handicap physique sous toutes ses formes. Le "héros" de l'histoire était champion d'athlétisme au collège mais à la suite d'une maladie, il a été amputé d'une jambe. D'autres sont des accidentés de la vie, de la route, sans que ce soit corrélé. Et enfin notre anti-héros a causé dans un accident de la route la paralysie d'une jeune fille.

Maggie : Mais c'est sordide !

Kame : Absolument pas, c'est bourré d'optimisme ! Real parle du réel, et le réel c'est la lutte ! Non pas la lutte pour être le meilleur de l'équipe, ce qui n'a pas vraiment de sens en basket handisport, mais la lutte pour soi : pas la lutte par rapport aux autres. Real parle des difficultés de l'intropathie, et du désir de vivre face aux difficultés.

Maggie : Mais quand même, pour Noël, n'aurais-tu pas quelque chose de plus joyeux ?

Kame : N'aies crainte, Inoue garde un sens de l'humour certain, et allie cela à un trait magnifié par l'expérience. Au pire tu te consoleras avec les artbooks de ces éphèbes estropiés, ça te changera des Dieux du Stade !

Maggie : Bon, merci pour le conseil, et Joyeux Noël. On te revoit quand ici ?

Kame : Bientôt !


Emoustillée par cette discussion avec un fantôme qui ne l'est finalement pas tant que ça, Maggie continue sa petite tournée et s'en va trouver Aurélien, un peu plus loin. Il semble absorbé dans ses pensées...

 



Maggie: Ah… Aurélien… Alors, pour Noël, du Wong Kar-wai, j’imagine ?


Aurélien – Non, pas vraiment. Surtout, éviter son dernier film, hein… Autant ne pas se gâcher les fêtes. Quant aux cadeaux éventuels, il faut quand même avouer que, exception faite des excellents DVD de In the Mood for Love et de 2046 (que tout le monde possède déjà, ou devrait posséder), il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le coffret TF1 est une abomination, tout comme le DVD des Cendres du Temps.

Maggie – En même temps, il n’y a pas trop d’alternatives possibles…

Aurélien – En effet, et c’est malheureux. Après, à quelqu’un qui aurait particulièrement apprécié le magnifique Happy Together, je ne manquerais pas de recommander la version remasterisée, sortie l’année dernière en édition limitée.

Maggie – L’édition à plus de 150 euros ? Ca ne fait pas un peu cher, quand même ?

Aurélien – Il va de soi que cet objet est loin d’être accessible, mais il s’adresse avant tout à celles et ceux ayant déjà vu le film et souhaitant le redécouvrir dans des conditions optimales. Pour dire les choses clairement, on se prend une énorme claque… Et puis, c’est l’occasion de découvrir Buenos Aires Zero Degree, le seul véritable documentaire sur le tournage d’un film de Wong Kar-wai, mais aussi de se replonger dans l’ambiance du film avec le CD haute définition de la bande originale du film. Après, il y a les goodies, bien entendu, mais ils ne sont pas nécessaires pour justifier le prix du coffret. Bon, après, j’avoue : avoir la fameuse lampe entre les mains, et la faire projeter les chutes d’Iguazu sur les murs de sa chambre plongée dans le noir a clairement quelque chose de magique… Mais bon, je pense que l’essentiel se trouve dans le test que Jeffy et moi avions publié il y a quelques temps.

Maggie – Bien, bien… Et sinon, à part ce coffret, donc ?

Aurélien – Cela dépend… En cette période de fêtes, à nos lecteurs qui souhaiteraient faire plaisir à un proche n’ayant pas des goûts trop pointus, je recommanderais également le DVD de Perhaps Love. D’autant plus que Wild Side a eu la bonne idée de joindre au coffret la bande originale du film, dont Jeffy recommandait justement l’achat. C’est un cadeau que j’ai à plusieurs reprises recommandé à des amis, souvent pour leur amoureuse.

Maggie – C’est ce que tu offrirais, toi ?

Aurélien – Pas sûr… Je pense que j’offrirais plutôt le DVD de Suzhou River, de Lou Ye. Ca n’a rien à voir, certes, c’est un choix plus personnel, peut-être plus pointu… Mais c’est un film important, vraiment. Et touchant.

Maggie – Et, sinon, d’autres suggestions ? A Hong Kong, à part Wong Kar-wai, par exemple…

Aurélien – Venant de vous, qui n’avez pas tourné à Hong Kong depuis près de quatre ans, la question est un peu surprenante. Non, en effet, il ne se passe plus grand-chose, à Hong Kong. Il y a bien Johnnie To, dont on pourra recommander l’excellent Exilé, bien entendu… Mais c’est à peu près tout. After This Our Exile m’a semblé trop forcé, à bien des niveaux. On repassera, donc. Je pense que mon choix se porterait finalement sur un coup de cœur de 2004 : le très beau Butterfly, de Mak Yan-yan.

Maggie – Et les autres pays d’Asie ?

Aurélien – Aux amis ne connaissant pas bien le cinéma asiatique, j’offrirais Memories of Murder, A Bittersweet Life ou The Host. Et, à la famille, choix tout aussi faciles et sans risques : Locataires ou le Chien Jaune de Mongolie. Des valeurs sûres. Ah, un cas particulier : pour ma mère, ce serait Lady Vengeance, dont elle est fan (elle s’est marrée pendant tout le film, au cinéma).

Maggie – Mais… ce sont des films qui ont déjà plusieurs années, et tous de Corée. Le Japon, rien ?

Aurélien – En même temps, quand on voit les derniers films de Wong Kar-wai, Patrick Tam, Zhang Yimou, Chen Kaige, Kim Ki-duk et Park Chan-wook, on en revient vite aux classiques de ces dernières années. Autant rester sur des références. Tenez, on a même eu un mauvais Ghibli, cette année ! Alors, si je devais offrir un film d’animation, oui, je crois que je resterais sur le Voyage de Chihiro. Sinon, le Japon… là, je crois qu’il serait plus raisonnable de voir avec Ordell ou Carth…

Maggie - Merci Aurélien ! Et en parlant de Carth, tiens...


Elle le cherche du regard, mais ne le voit pas...



Maggie: Mais où diable est donc encore passé Carth ?


Carth (sort de derrière un arbre) : Un refrain bien connu de la saga des Tora-san

Maggie (surprise): AAAAAH!! Mais que... quoi? Tora-san ?


Carth : Bien sur chère Maggie, la saga des Tora-san est celle qui compte le plus grand nombre de suites jamais réalisées pour le cinéma. On dénombre en tout et pour tout quarante-huit films, et pas des sous-genre formatés pour la télé vite fais bien fais comme ces innombrables téléfilms qui pullulent sur nos écrans le soir de Noël ou durant les grandes vacances…

Maggie : Tu me parles de Noël ? Des fêtes ?

Carth : Oui, on ne va pas le cacher, mais le succès des Tora-san était tel que son créateur, Yamada Yoji, tu sais celui qui a réalisé entre autre La Servante et le Samouraï, Le Samouraï du Crépuscule, devait en gros réaliser deux épisodes des Tora-san chaque année afin qu’ils soient diffusé à des moments bien précis, durant les fêtes de Noël, les fêtes de fin d’année ou que sais-je encore…

Maggie : Ah, maintenant que tu me le dis, je me souviens. Tora, c’est l’autre grand con avec un chapeau ?

Carth : Vas-y molo, certes Torajiro n’a pas inventé la poudre, mais il est tellement attachant que seule sa présence suffit à redonner le sourire à bon nombre de gens en quête de rire et de bons moments à partager entre amis. J’y vais fort et cliché, mais n’oublions pas que cette fameuse saga a souvent été récompensée à travers les festivals japonais pour son interprète principal du fait de son incarnation parfaite du japonais pas bien chanceux mais toujours battant quelles que soient les situations et les épreuves qu’il traverse. C’est un peu un modèle à suivre pour les jeunes enfants…

Maggie : Les jeunes enfants doivent donc mal s’habiller, vagabonder et trouver des subterfuges à n’en plus finir pour conquérir le cœur de leurs futurs bien aimés ?

Carth : Bien sur que non, ça c’est juste pour la déconne. De toute manière, comme tu peux le savoir, Torajiro ne trouve jamais l’élue de son cœur. La série se serait arrêtée rapidement, tout ce joli monde aurait disparu dans les profondeurs des acteurs affublés d’une étiquette risible : « ah oui, lui c’est l’oncle de Tora », « Ah, sa sœur, celle qui est toujours droite », « le chauve ? Ah oui, Octopus dans Tora-san ? ». Un peu comme Johnny Depp, tu demandes qui c’est à une jeune fille de seize ans, elle te diras que c’est « Jack Sparrow kro kro beau » plutôt qu’un Ed Wood. C’est terrifiant rien que d’y penser, heureusement ce n’est pas le cas puisque l’on retrouve à peu de choses près le même casting du premier au dernier épisode, on peut dire qu’ils ont porté la saga sur leurs épaules. C’est une belle famille à laquelle on s’attache rapidement.

Maggie : Une chose qui m’intrigue…Yamada Yoji a du cravacher sec pour réussir à garder l’esprit de la série intacte sur plus de vingt-cinq ans ?

Carth : Pas forcément. Il s’inspire beaucoup des éléments d’une société banale, ses aléas, ses personnages hauts en couleur pour donner corps à son œuvre. C’est pourquoi chaque épisode des Tora-san est comme une Kangoo, c’est le même mais en différent. Chaque film débute par une introduction de quelques minutes mettant en scène Torajiro dans des situations fantastiques, en plein dans son imagination. Ce dernier se réveille alors et le générique culte peut débuter, ce générique constamment réinterprété par Atsumi Kiyoshi lors de chaque nouvel épisode. Avec un peu de chance, tu peux trouver au Japon un CD rassemblant une trentaine de chansons éparpillées sur toute la saga. Du gros collector en somme…

Maggie : D’accord, mais ça ne me dis pas si Tora-san c’est SI bien que ça ?

Carth : Je conseille cette saga à toute personne maîtrisant les bases de l’anglais vu que l’on attend toujours une sortie en France chez nous, histoire de virer notre vieille VHS Les Films de ma Vie éditée à l’époque de Mathusalem. Wild Side devait sortir la saga, mais faute d’un matériel de qualité, ils ont lâché les droits. A la place on continue de visionner chaque épisode de la série dans un format recadré, mais rien de bien gênant car la saga n’a jamais été un modèle d’inventivité formelle…Dans le fond, on regarde un Tora-san uniquement pour se divertir et passer un excellent moment. Ce qui est encore plus étonnant c’est de voir que la saga ne semble jamais s’essouffler au fil des épisodes, Atsumi Kiyoshi est toujours aussi excellent qu’importe son registre, les situations semblent toujours s’enchaîner à vitesse grand V et même si la structure de chaque épisode est la même, à aucun moment on ne ressent une lassitude. J’appelle ça du bonheur.

Maggie : On aura donc compris que tu aimes suivre les mésaventures du grand con au chapeau…

Carth : Oui, mais le grand con au chapeau il ne s’est jamais brouillé avec son réalisateur dès sa cinquième collaboration…

Maggie: ... Merci Carth.


Faisant mine d'ignorer cette dernière remarque, Maggie s'en va continuer ses interviews. Cette fois, c'est au tour de Junta de s'y coller...




Maggie :  Bon, toi le Junta: je suppose que c'est de la Catégorie III que tu vas me conseiller.


Junta : Eh bien non !!! Même pas... mais bon t'étais pas loin. Comme visionnage le soir du réveillon je te conseille Rape and Die, un pré-catIII dépressif qui te dépeint un HK au début des années 80 peu reluisant...

Maggie : Pas très gai comme programme pour un réveillon...

Junta : Ah bon ??? Tiens je n'y avais pas pensé... mais bon tu sais que l'essence du ciné HK 80's et 90's se trouve dans ce genre de production, donc c'est important de mettre en lumière ce genre de film... surtout que toi aussi tu as joué dans des CatIII...

Maggie : Euh... certes... parlons d'autres choses... tu n'as pas un autre film à me proposer ?

Junta : Ouaip ! Her Name is Cat !! Prod qui contient justement pas mal de reste de l'âge d'or de la CatIII... avec un style Clarence Ford clinquant et putassier... en gros c'est du Wong Kar Wai réussi... d'ailleurs toi qui fais plusieurs fois le même film avec WKW, pourquoi pas le faire avec Clarence pour une fois ?

Maggie : J'hésite... mais j'en ai marre de toujours faire le même rôle...

Junta : T'inquiète ça va te changer un peu quand même, on va demander à Wong Jing de s'occuper du scénario, ça va te rappeler des bons souvenirs !

Maggie : Quoi ?? tu veux me refiler Wong Jing... non c'est bon j'ai déjà donné... bon tu me fatigues avec tes idées farfelues, je te laisse...


Tandis que Maggie quitte la pièce presque en courant, Junta tente de la retenir en lui disant que si elle ne veut pas jouer dans un Cat III, il a aussi des projets d'AV (=gentil p'tit film pour salaryman japonais sage = Adult Vidéo)
 mais il n'insiste pas...Junta semé, Maggie, sans comprendre ce qui lui arrive, se retrouve tout d'un coup dans l'obscurité. Elle aperçoit soudain une silhouette qui se dessine au sein de l'ombre. Elle se rapproche lentement, déjà tout à côté d'une Maggie tétanisée...



Maggie (tremblante): Tu dois être Tenebres83...


Tenebres83 : Je ramène juste ma fraise pour proposer un super cadeau pour les enfants.

Maggie (rassurée): les enfants?...

Tenebres83: Contrairement à la soupe façon Disney qu'on déverse sur les têtes blondes, beaucoup d'oeuvres japonaises ne prennent pas les gamins pour des crétins. Et ça, il est toujours bon de le signaler. Dans la hotte du père Noël ont pourrait donc glisser sans modération les oeuvres de Tezuka. J'ai beaucoup de respect pour Monsieur story manga et une certaine tendresse pour la modeste édition DVD de ses "8 films inédits" : La légende de la forêt, La Sirène, La Goutte, Le film cassé, Le Saut, Tableaux d'une exposition, Autoportrait et son chef-d'oeuvre : Histoires du coin de la rue. L'édition n'est pas à la hauteur de l'homme mais elle a le mérite d'exister, Les Films du Paradoxe ont bien distribué en salles cinq de ces courts-métrages mais c'est une sacrée chance d'avoir près de chez soi une salle qui les programme, surtout si l'on habite en province....

Maggie : C'est un peu vrai pour tous les films asiatiques non ?

Tenebres83 : Oui j'y viens, en guise de cadeau de Noël je voudrais que les films asiatiques soient mieux distribués en France, et surtout mieux accueillis par le public. Notre village résiste, comme tu le sais, et nous en sommes fiers mais l'ennemi progresse et notre minorité doit rester vigilante pour exiger que le cinéma reste un un art (évitons que La cité interdite fasse des émules !) et le public curieux (pourvu que le film asiatique le plus vu en 2007 ne soit pas La cité interdite !). Sauvegardons nos salles obscures ... d'ailleurs j'y retourne, l'air frais du dehors et la lumière du soleil me brûle la peau...



A Tenebres83 de retourner dans son étrange obscurité, et à Astec d'arriver, tout sourire, avec un sac à dos rempli de DVD et autres mangas débordant de partout. 

 



Maggie: Salut Astec! Alors, la frite? (pasque astec-frites...)


Astec: Mmh, ça va bien merci. Salut Maggie. Et toi, comment va ?

Maggie: Pas trop mal mer...


Astec: ... Oh, dis-moi, tu n'as pas très bonne mine là !? Je t'ai connue plus fringante... Enfin, passons. The Blade, inévitablement. Le genre de film que l'ont peut revoir indéfiniment, parce qu'il ne suffit pas d'en avoir fait le tour pour en épuiser toute la substance. Je l'ai revu pour la énième fois il y a quelques jours et l'émotion, malgré la "compréhension", reste intacte. Lorsque je pense à ce film, ou en parle, il n'y a quasiment pas un plan qui ne mérite pas considération, dont l'évocation ne provoque pas invariablement l'enchaînement d'images, de bruits, de couleurs, de mouvement, de musique qui font la symphonie The Blade dans mon esprit. Je vais te confier un truc Maggie : ne pas aimer The Blade m'a toujours paru comme une vraie preuve de mauvais goût. Bien sûr, c'est faux. C'est juste la preuve d'un goût différent. Mais que veux-tu, nous avons tous nos petits partis pris, nos certitudes, nos absolus. Dans le domaine du cinéma, pour moi The Blade se pose là. Mais je ne sais pas si c'est le genre de film qu'il te faut. Tu sembles traverser une mauvaise passe là. Je crois qu'un truc un peu plus gai, frais et léger te conviendrait mieux.

Maggie: Mais tu sais, en fait je t'assure que ça va et...


Astec: ... Par exemple une petite Traversée du Temps en animation, en DVD dès fin janvier de l'année prochaine. Tu verras, ce n'est pas le chef-d'oeuvre définitif mais une réussite inconstestable... incontestablement. On passera sur Jin Roh pour toi vu le mauvais coton que tu files. Réédité dernièrement, le film d'animation d'Okiura est une histoire sombre, une uchronie romantique, dramatique, politique sans être un pamphlet, magnifiquement mis en forme, musicalement implacable. Incontournable. Et puis toujours dans le zone 2, pour rester dans la ligne éditoriale, les productions GITS. Pas de souci, pioche, ça le fait. Et profites-en pour te choper le manga GITS 1.5 édité chez nous cette année. C'est de la bonne came, de la SHIROW bien pure, non coupée. Attention à la montée Maggie, elle attaque bien les neurones la SHIROW non coupée. Ça va te donner un petit coup de fouet.

Maggie: Ah mais non! Je ne veux pas qu'on me fouette et...


Astec: ... Et puisque nous sommes dans le manga, jette donc un oeil à celui de Lady Snowblood dont le premier volume sur deux est récemment sorti en Gaule. Ce n'est sans doute pas du niveau d'un Lone Wolf & Cub, mais ça reste indéniablement efficace dans son genre et très bien mis en forme. J'adore L'Habitant de l'Infini par exemple, de Samura, mais je lui trouve les 2 titres précédemment évoqués supérieurs dans un genre plus ou moins similaire. Le gekiga reste quand même plus dramatique que le seinen... Enfin, ils sont tous à conseiller.




Mais peut-être n'as-tu pas envie de voir du sang, du sexe et des sabres dans l'état où tu es. Un peu de dépaysement te siérait bien plus, j'en suis certain quand je contemple ton air mal en point. Un truc plus rigolo alors ? Enfin, un truc rigolo en plus, pour être plus précis. En plus de son positionnement de provocation punk, anarchisante, jusqu'au boutiste et caricaturale sans pour autant amoindrir ses excès, le manga The World is Mine se joue de nous comme ne pourra jamais le faire le Tueurs Nés d'Oliver Stone : violent, comique, hilarant, cruel, voyeuriste, fantastique, dramatique, SF, kaiju-eiga, étude de caractères, farce politique, chasse à l'homme sanglante, fascinant, manipulateur, malin, mise en page, découpage, style, trait, chair, corps, sexe, mystère, ARAI, Hideaki. Kiitchi, c'est aussi de lui, pareil. En plus sobre, en plus émouvant, poignant, mobilisateur. Dans un autre genre. Une réussite aussi. Kiitchi, mieux que The World is Mine ? Se poser cette question c'est le luxe. Hideaki ARAI, le genre de mec dont un mangaka incontournable comme Naoki URASAWA (Monster, 20th Century Boys) dit, à propos de The World is Mine justement : "ARAI a eu la même idée que moi (mais je ne l'avais pas mis en pratique)". Et puis on n'oublie pas une petite dose de pure SF, un petit auteur sympa et gai qui sera à même de te remonter le moral Maggie.

Maggie: Mais puisque je te dis que je vais b...


Astec: ... Je rigole. NIHEI Tsutomu fait comme SHIROW, comme bien d'autres : ce qu'il veut, dans le cadre de ce qu'il peut, au moment où ça se peut. Son manga Blame tue dans son genre. Si tu n'accroches pas Maggie c'est pas grave. Il tue quand même. Et on tue dedans, mais y meure t-on vraiment ? NIHEI a refait parler de lui en France dernièrement avec son Abara, un petit manga en 2 volumes entre la SF façon "lui" et le fantastique. Un truc aux influences plus que digérées de comic book, de dessin à l'européenne et de "devilmen" mutant aux réminiscences un peu "nagaïennes". C'est beau. Pas seulement des supers décors. Les personnages. NIHEI a fait d'énormes progrès dans ce domaine, lui dont le dessin était déjà le premier atout. Les expressions, la variété morphologique des visages en particulier. Abara en propose une galerie bien fournie, bien riche et fascinante en elle-même, souvent glauque, proprement fantastique. Son trait s'est fait plus délié, il est devenu un peu plus souple tout en ne perdant pas sa personnalité. Sa narration aussi a gagné en fluidité, en maitrise et en ingéniosité. Les combats sont d'ailleurs passionants à suivre, d'une mise en scène complexe et éminement cohérente, la mise en page et le découpage, le dessin en lui-même, les effets graphiques comme narratifs... Bordel Maggie, ce type est une brute !

Maggie: Une brute? Mais non, je ne v...

Astec: ... Bon; y'a bien plein d'autres trucs, mais je vais arrêter de te prendre la tête ma poule.Vu la tête que tu fais... Ah si ! Un dernier pour la route, juste un petit film d'animation de rien du tout, d'un réalisateur de rien du tout. Un truc qui ne mérite qu'une sortie dans l'anonymat en Z2 et pas une sortie en salle. Un petit film mineur de TAKAHATA Isao, Omohide Poroporo (Souvenir Goute à Goutte). Un film même pas digne, selon le distributeur Buena Vista, de bénéficier d'une sortie DVD digne de ce nom. Non, juste une galette vostf et pi basta ! Et pourtant, ce film est une réussite formelle comme souvent chez TAKAHATA qui n'a cessé d'explorer dans ce domaine, une réussite formelle au service de son projet de mise en scène avant tout. Ou l'inverse ? Peu importe. Le co-créateur de Ghibli livre avec ce film une de ses oeuvres les plus abouties et sur laquelle il faudra revenir incessement sous peu, pense-je en en t'en parlant Maggie. Et tu sais quoi, lorsqu'on lui demande au grand bonhomme, celui qui a réussit à faire verser une larme toutes les brutes épaisses de ma connaissance avec le film que tu sais, lorsqu'on lui demande ce que ça lui inspire il réagit avec classe, sans ego démesuré, tout en retenu...

Maggie: Et j'ai d'ailleurs bien retenu tous tes précieux conseils Astec, merci à toi !


Astec: Mais j'insite: la dernière fois tu avais meilleure mine... C'était quand d'ailleurs ? Pendant le tournage d'Augustin roi du kung-fu ! Je m'en souviens. Dans le 13ème. Tu tournais une scène dans un hôtel avenue d'Ivry. Tu es descendue à la réception. Exprès pour me voir. J'étais là, encore mouillé de la pluie qui tombait en abondance en cette fin d'après-midi d'automne, mon HK Mag sous le bras. Attendant. Tu as souri. On s'est salué puis assis à une des deux tables qui était là. On nous a servi un thé et nous avons échangé des mots, pendant 10, 15, 20 minutes, je ne sais plus. Ce genre de moment à tendance à altérer notre perception de la durée. Je serai toujours gré de sa gentillesse à la charmante fille du staff qui a permis cette rencontre. Pas une interview, ni un autographe arraché à la volée, mais un vrai petit moment d'intimité, en tête à tête avec une des plus belle actrice d'Asie. Green Snake quoi ! Tu sais quoi Maggie, les sourires que tu as eu lorsque je t'ai montré les photos de toi dans différents films, comme celle de ta scène de danse dans Green Snake, ou encore celle tirée de Heroic Trio où tu es en pleine page aux côtés d'Anita MUI et Michele YEOH, le souvenir de ton regard posé sur moi alors que je tente d'exprimer des idées cohérentes dans un franglais béat, tes questions, ta voix. Ton "With Love pour Anton" écrit sur une de tes photos de mon HK mag... Un chouette moment que tu m'as donné là. Et tu le savais.

Le cinéma est ainsi fait que tous nous partageons ton image à travers lui. Ce souvenir est constitué d'images de toi qui n'appartiennent qu'à moi.

Bonnes fêtes Maggie. Bonne année. A la prochaine."


... Emue par ce souvenir qui lui revient soudain, Maggie ne sait plus que dire. Le regard trouble, elle marche sans trop savoir vers qui se diriger. Vers personne d'ailleurs, même si la plupart des regards des cinemasiens sont toujours braqués sur elle. Quelque chose parvient tout d'un coup à la distraire: un quelque chose qui vient de se poser sur sa tête! Paniquée, elle la secoue puis entend des battements d'aile. Devant elle se pose alors une bien étrange créature: une marmotte avec des ailes.


Maggie: Tiens, la voilà donc cette "marmotte qui vole"! Ca n’est pas commun… Les marmottes aussi regardent des films ?


Flying Marmotte : Bien sûr ! Tiens d’ailleurs, l’autre jour j’ai été invité chez Françoislebigbossix, notre chef, et son épouse Gonglix, pour manger un sanglier au caramel. (Pour la petite histoire, ils se sont rencontrés lors d’une nuit de vice à Miamix). Nous parlions justement cinéma, et des difficultés de trouver des films vietnamiens sous-titrés en France.

Maggie : Il y a bien les films de TRAN Anh Hung

Flying Marmotte : Oui c’est vrai mais à part lui, il n’y a que des films sur la guerre du Viet Nam où les gentils américains combattent les méchant Vietcongs.

Maggie : C’est sur cela fait assez cliché…

Flying Marmotte : Mais je conseillerais tout de même de voir son film CYCLO

Maggie (qui rougit) : Avec Tony LEUNG Chiu-Wai.

Flying Marmotte : Exactement, c’est un film très dur, très sombre, et qui montre bien comment la vie d’un vietnamien moyen peut être dure…

Maggie : C’est vrai, j’ai été plutôt mal à l’aise quand je l’ai vu…

Flying Marmotte : Normal, voir la décadence et le mal être des personnages n’a rien d’agréable, que ce soit le cyclo, qui obligé de devenir un bandit pour rembourser le cyclo qu’il s’est fait voler, ou bien sa sœur qui se prostitue pour celui qu’elle aime, et enfin ce bandit qui finit par se repentir… Mais je ne vous en dirais pas plus pour ne pas gâcher le film…

Maggie : Et on peut encore le trouver en DVD ?

Flying Marmotte : Oui, même si l’Odeur de la Papaye Verte est sorti dans une nouvelle version, le coffret qui regroupe les deux films et deux courts métrages est encore disponible…

Maggie : Eh bien merci !

Flying Marmotte : Avec plaisir, mais je suis désolé je dois vous laisser, Noël approche et j’ai encore pas mal de chocolat a mettre dans du papier d’alu…

 
Maggie se dirige vers la suivante en ressentant soudain comme une forte envie de chocolat. Du noir, avec quelques noisettes et un arrière goût de poire... Mmh...  Elle se dépêche d'enchaîner avec Florine pour se changer les idées: il n'y a point de chocolat à l'horizon...

 


Maggie : Une autre fille... C'est plutôt rare ici! Quelque chose de frais, de joli, de joyeux, de familial pour Noël, chère Florine ?


Florine : Je proposerais bien La Rivière de Tsai Ming Liang - ça se passe dans une famille qui s'aime de près.

M : Mais ce n'est pas joyeux, ça met même franchement mal à l'aise, cette histoire.

Florine : De toute façon le DVD est épuisé en France, il faut attendre une réédition. En attendant de découvrir ce chef-d'oeuvre de Tsai, il y a son autre meilleur film, La Saveur de la pastèque.

Maggie : Il n'était pas interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie en salles ?

Florine : Si, c'est vrai, mais le titre est joli et frais ; le titre original c'est "Un nuage au bord du ciel", c'est joli aussi.

Maggie : Oui mais à l'intérieur, le film lui-même...

Florine : Le héros est acteur de films porno, alors forcément, bon, mais avec une fille ils boivent du jus de pastèque tout le temps, c'est très frais. C'est le film le moins lent de Tsai - ce n'est pas un argument ça ? C'est une comédie bizarre, noire et rose : noire parce que le sexe est triste dans ce film, les acteurs sont de la chair à vidéo porno, les filles malmenées, rose parce que l'histoire est entrecoupée d'intermèdes chantés, de sketchs musicaux complètement délirants, tant dans les chorégraphies que dans les costumes. L'alternance des situations emmène le spectateur du rire au malaise et du dégoût au sourire - parce qu'il n'y a pas que les tranches de musique, tout le film aussi est toujours à la limite du sourire et du grincement de dents, Tsai introduit des gags même dans les scènes les plus tristes. 

Maggie : Il joue avec le spectateur ou il s'en moque alors ?

Florine : A la fin, difficile de savoir sur quelle impression rester - ça dépend des moments ou des situations dans lesquels on a visionné le film. Tsai joue tout le temps avec nous, avec nos nerfs, il fait exprès, il explique ça très bien dans l'interview qu'il a donnée il y a deux ans pour la sortie du film

Maggie : Oui, bon, pour offrir en famille ça reste peut-être un peu délicat non ?

Florine : Alors, vous vous achetez La Saveur pour vous-même, vous aimez les intermèdes musicaux, vous tombez amoureux de Grace Chang, la star de la comédie musicale des années 50 à Hong Kong, et vous offrez plutôt Mambo Girl, où elle tient avec brio le rôle principal. Dramatique et joyeux à souhait. Et tout public.



A Maggie, épuisée, de se dire qu'elle a déjà passé suffisamment de temps avec les cinemasiens. C'est ce moment que choisit Ghost Dog pour venir papoter un peu avec elle...


Ghost Dog : Salut Maggie !


Maggie : Pas la peine Ghost Dog, j’ai déjà suffisamment de quoi faire pour Noël…

 Ghost Dog : Eh ! Mais attends un peu ! Laisse-moi une chance !

Maggie : Pfff… bon vas-y. Mais je te préviens, si ton idée c’est du ciné thai, je me taille !

Ghost Dog : Rooohh, voilà ce que ça fait de côtoyer Shubby trop longtemps, il t’a contaminée maintenant ! Allez, réponds d’abord à ma question. Que t’inspire Noël ? La fête ? Les bons repas en famille ? Les cadeaux ?

Maggie : Bof, pas vraiment, en ce moment c’est plutôt la déprime, j’ai pas de projets en vue et je crois que je vais passer les fêtes à me morfondre chez moi…

Ghost Dog : Eh bien voilà ! J’ai la solution pour te sortir de ton petit quotidien morose : Mohabbatein !

Maggie : Mohabba-quoi ?

Ghost Dog : Mohabbatein ! C’est l’amour en hindi. Oui, un bon gros Bollywood de 3h10, rien de tel pour te faire passer un après-midi entier dans une autre galaxie ! Avec ça, tu vas oublier tous tes soucis.

Maggie : Continue tu m’intéresses

Ghost Dog : Je te plante le décor : une université prestigieuse, l’équivalent du Harvard indien, tenu d’une main de maître par un Proviseur totalitaire qui te fusille du regard et t’impose une discipline de fer. Avec lui, tu bosses ou tu crèves, et pas question de tomber amoureux, tu y penseras une fois diplômé. Mais c’était sans compter sur un professeur de musique original qui va faire voir la vie autrement à ses étudiants…

Maggie : Non mais attends 2 secondes là, tu te moques de moi ? C’est le pitch du "Cercle des Poètes disparus" !

Ghost Dog : oui ok, c’est vrai que ça y fait un peu penser, mais je t’assure que la structure de l’intrigue est complètement différente. Il s’agit ici de faire naître dans un environnement hostile de multiples histoires d’amour entre des étudiants dans un tourbillon d’images et de musiques à couper le souffle, avec une vengeance personnelle comme enjeu ! Il y a une Farah Khan en grande forme derrière toutes les chorégraphies dansées, et surtout un casting énorme : Amitabh Bachchan versus Shahrukh Khan, les 2 monstres sacrés face-à-face, le père autoritaire opposé à son fils spirituel, mais aussi la Miss Monde Aishwarya Rai dont chaque apparition est proprement féérique, le terrible Amrish Puri, ainsi que toute une nouvelle génération de comédiens comme Uday Chopra.

Maggie : Hmmm, c’est vrai que ça me tente bien. Mais bon, si c’est pour se taper l’image pourrave et les sous-titres bidons d’un DVD pirate pendant plus de 3 heures, c’est pas la peine.

Ghost Dog : Je t’arrête tout de suite ! Le film est dispo en Zone 2 chez Bodega dans une très bonne édition.

Maggie : Ah ok. Bonne idée finalement, d’autant plus que je n’y connais pas grand-chose à ce ciné-là.

Ghost Dog : Vas-y les yeux fermés. Tu n’auras plus ensuite qu’à découvrir La Famille indienne, Lagaan, ou Dil Se si ça te plait.

Maggie : Va pour l'Inde. Et merci à toi, Ghost Dog, de ne m'en proposer que quelques uns parmi les hordes de films venant de là-bas!



Maggie regarde autour d'elle. Elle a maintenant interviewé tout le monde (ou presque). L'exercice est terminé...


Epilogue



La chinoise entend comme un gargouillis. Flying Marmotte, rouge de honte, baisse la tête et avoue à l’assistance : « Je crois que j’ai un peu faim… ». Ravis qu’ils sont de cette présence féerique chinoise, nos cinémasiens n’ont pas vu le temps passer et l’heure de déjeuner l’est déjà. Un concert de gargouillis se met peu à peu à retentir au milieu de la place du village, allant jusqu'à s’amplifier et ressembler aux croassements des crapauds, le soir, aux abords des lacs. Ghost Dog, souriant, s’approche de l’actrice  :

Ghost Dog: « Je crois qu’il est l’heure de manger un peu. Nous ferais-tu le plaisir de te joindre à notre table, chère Maggie ? »

A celle-ci d’accepter l’invitation d’un hochement de tête et au village d’être enchanté de partager ce repas avec elle. Tout le monde s'active, amène les tables, les tonneaux de bière chinoise et de sake, les plateaux de nems, les travers de sanglier, le riz cantonais, les sushis... tout le nécessaire de survie est réquisitionné. Au milieu du repas, Tanuki en profite pour demander à Maggie : "Au fait, quelle est la vraie raison de votre présence ici ? Pourquoi notre village ?..." L'actrice s'essuie délicatement les lèvres avec sa serviette, puis répond: "Eh bien voilà (elle déglutit): la raison réelle de ma présence ici est due au fait que..."

Un sifflement retentit soudain. A la stupeur générale, un javelot vient s'enfoncer dans un tonneau, à quelques mètres à peine de Mme Cheung. Le silence se fait, rompu seulement par l’écoulement du sake se déversant au sol. Un rire mesquin s'élève:

Centurion: "Ah Ah Ah Ah!! Rendez-vous, pitoyables gaulois-cinemasiens! Vous êtes cernés par l'armée romaine! Vous n'avez aucune chance de vous en sortir et... "

(Ellipse)

Les gaulois regardent les derniers romains encore debout, pitoyables, passer le portail dans l'autre sens. Une fois tranquilles, Kame demande : « Combien de cafés ? ». Quelques un lèvent la main. Aurélien dit : « deux sucres pour moi ». Astec annonce qu’il préfèrerait un thé. Ils retournent tous au banquet, relèvent les chaises et s'asseyent. Kame vient voir Maggie : « Thé? café ?… ». Elle reste bouche bée. Elle n’a pas bougé de sa chaise de toute la bataille et voici qu'à peine celle-ci terminée vient-on lui proposer du café ! Se méprenant sur son hésitation, Carth arrive et propose : « Un p’tit digeo peut-être ?… ». Là, elle éclate de rire, avant de finir par valider l'option café. En prime : un petit chocolat, qu'elle accepte avec grand plaisir.

Après avoir longuement discuté de tout et de rien avec ses nouveaux amis, Maggie se lève et annonce à la tristesse générale qu'il va lui falloir s'en aller. Pas de grand discours, ...

Portrait de Wolkiger... elle leur dit juste "Au-revoir" et "Joyeux Noël à tous", puis, toujours souriante, s’en retourne par où elle était venue, de l’autre côté du grand portail en bois. Sans cesse admirée par des cinemasiens cachant difficilement leurs larmes.

Un peu hagards, nos gaulois rangent ensuite les tables, la nourriture restante et quelques romains éparses encore dans les pommes. Tout en soupirant, nos cinemasiens vaquent à leurs occupations, la tête ailleurs...

Avec quelques jours d'avance, Noël leur a offert là un bien joli cadeau.







FIN












Et à Maggie, la vraie, de pleurer de ne pas tous les connaître davantage...













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Merci à Maggie Cheung pour sa participation exceptionnelle, à René Goscinny, Albert Uderzo et autres Asterix et Obelix pour l'inspiration du cadre.

Encore un très grand bravo au grand Gagnant du Concours de dessin: Wolkiger
, qui nous a concocté une bien belle Maggie Cheung en figure de proue de ce dossier. Vous pouvez admirez ses travaux sur son blog: http://wolkiger.skyrock.com. Le dessin somptueux apparaissant en conclusion est également de lui. Le contacter: tvkun@msn.com.

Un grand merci - hors concours - à Yoann Gourru (yoann.gourru@laposte.net)
pour sa Maggie Cheung "à la gauloise" réussie, jointe à notre introduction (son blog: www.myspace.com/leverdeterreradioactif), et un autre à Jiorgio Nerjat (giorgio_n@msn.com) pour sa Mag(g)ie druidique originale, visible dans la conclusion (son blog: http://pexitron.blogspot.com/)

Chaque CinemAsien a rédigé sa propre intervention. Dans l'ordre d'apparition à l'écran: Shubby, Jeffy, Ordell, Gilles, Tanuki, MLF, Kame, Aurélien, Carth, Junta, ténèbres83, Astec, Flying Marmotte, Florine et Ghost Dog. Concept, introduction, transitions, conclusion et mise en page: Arno Ching-wan.



 



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